J’ai failli oublier de te parler de ça, car le bouquin ne m’était pas parvenu. Depuis que je travaille dans l’édition, j’ai toujours du mal à donner la date du jour, car on a une vision à court terme (la signature du bon à tirer), à moyen terme (la remise du texte et le suivi des épreuves) et à plus ou moins long terme (la signature du contrat, le lancement d’un projet) ; voire à encore plus long terme, quand l’éditeur met au budget un titre dont il n’a pas encore acquis les droits, ou quand le traducteur se charge de la prospection et/ou de la lecture préalables. Lorsque je n’ai pas un agenda sous les yeux, je me plante donc régulièrement (je peux me croire en 2023, parce que je sais que le livre devrait sortir à cette date-là, ou en mai, parce que c’est ma date de remise prévue et que je termine en avance, voire en 2001 quand je convertis mes à-valoir en francs). Ces temps-là ne sont pas les mêmes pour les éditeurs et les traducteurs, les premiers ayant la main sur tout (sauf les retards éventuels des uns et des autres, les pénuries de papier, les grèves des dockers en Scandinavie qui paralysent la livraison de matières premières, et ce qui a trait de près ou de loin à la fin du monde – le niveau de difficulté s’est considérablement accru ces dernières années), les seconds ayant des délais à respecter, mais ne maîtrisant rien des dates de sortie, des impératifs vis-à-vis des imprimeurs, compositeurs, distributeurs, etc., ou de la marge que se réserve l’éditeur pour le retravail sur le texte (un delta allant de quelques heures à plusieurs mois). Ainsi, un livre peut nous occuper l’esprit en tâche de fond pendant 2 à 3 ans voire plus (une série dont on connaît d’avance la périodicité), ou tout peut être bouclé en quelques semaines à peine (une urgence qui bousculera tous les plannings parce que l’actu est là). J’estime à environ dix-huit mois (au doigt mouillé, mais il faudrait que je me penche plus sérieusement sur la question, ça m’intéresse) le temps écoulé entre la signature du contrat de trad et la parution en librairie. À titre d’exemple, ce titre a été signé en juin 2021, soit huit mois avant sa parution ; quand je te dis que je suis nul en dates… Tout ça pour justifier le fait d’avoir omis de t’en parler à sa sortie, ça sent quand même la mauvaise foi.
Pour l’anecdote (même si je n’y suis pas allé de main morte sur l’introduction)
Ce titre est la cinquième (?) des enquêtes de Loveday & Ryder, mais la première traduite par mes soins. Ce n’est pas une situation très confortable, car je n’ai lu que le tome précédent, et seulement en VF, et qu’il m’a donc fallu tenter de raccrocher les wagons sans laisser échapper une allusion ou un terme spécifique. D’un autre côté, certains choix avaient déjà été effectués (sur les grades dans la police, les tu et vous, etc.), ce qui a impliqué quelques recherches, mais moins de réflexion et de nœuds au cerveau. Il existe une minuscule entorse à la règle, due au style délibérément suranné et à l’ambiance so British des romans. Je t’offre ma trad de ton choix (dans la limite des stocks disponibles) si tu la découvres.
Mais de quoi ça cause ? (Avec un peu de spoilers dedans, mais pas trop non plus, tu me connais.)
Lors de Bonfire Night (si tu ne connais pas non plus, je te renvoie à l’article de Wikipedia, parce que j’ai un peu la flemme de t’expliquer), un jeune retraité décède accidentellement par suite de l’explosion prématurée et impromptue d’une fusée de feu d’artifice dans sa face (note le ton suranné et l’ambiance so British de ma description). L’affaire est classée dès le prologue, on aurait pu en rester là ; ce qu’on aurait d’ailleurs fait, sans l’intrusion d’un journaliste mettant au jour le fait que la victime était riche, détestée de tous et ne l’avait globalement pas volé. Alors : à qui profite le crime ?
Faith Martin, Feu d’artifice mortel (A Fatal Truth), Harper Collins, paru le 2/2/2022.

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