Après avoir abordé les aspects pratiques (contenu et méthode) dans un premier billet (ici, si tu as la flemme de chercher), j’en viens maintenant au côté professionnel de la chose : contrairement aux apparences, je n’ai pas fait ça uniquement pour m’amuser, mais aussi pour me perfectionner (dans le cadre de la formation continue, si on veut).
Les résultats du certificat sont donnés par paliers : 300 points et plus (Technique), 500+ (Professionnel), 700+ (Affaires), 900+ (Expert). Cette dernière catégorie est recommandée « pour les métiers liés aux lettres : relecteurs-correcteurs, rédacteurs-réviseurs, traducteurs, formateurs, coachs, etc. ». C’est donc cette fourchette-ci que je visais. Note qu’on n’évoque pas ici les auteurs d’œuvres premières ni les éditeurs, j’y reviendrai un peu plus loin.
J’avais plusieurs objectifs en tête : 1/ m’évaluer de façon objective ; 2/ gagner en assurance lors de la relecture des épreuves ; 3/ donner un minimum de garanties aux éditeurs (a priori, je suis capable de rendre un texte propre, ce qui est autant de temps gagné et de travail en moins pour eux et tout le reste de la chaîne ; avec un résultat dans les 7 ou 800, qui demeurerait très bon, il y aurait eu moins de certitudes pour une activité purement littéraire).
À mon sens, tous ceux dont le métier consiste à travailler sur le texte auraient intérêt à préparer ce certificat, car on y apprend beaucoup de choses, même quand on a l’impression d’être déjà relativement à jour. Voici un petit tour d’horizon des principaux métiers concernés. J’en oublie sans doute, mais je préfère ne parler que de ce que je connais et que j’ai un peu pratiqué. Et en réalité, je pense que cela concerne tout le monde, même si les avantages sont peut-être moins criants dans les services autres qu’éditoriaux.
Autrices/Auteurs
J’entends assez régulièrement dire qu’il n’est pas indispensable d’écrire de façon irréprochable pour soumettre un manuscrit à un éditeur. Sur le fond, c’est tout à fait vrai, car d’autres personnes dont c’est le cœur de métier vont ensuite s’atteler à rendre le texte aussi nickel que possible, gommant ainsi les scories initiales. Cependant, pour avoir été brièvement de l’autre côté, j’ai pu constater qu’il est beaucoup plus facile de s’attaquer aux problèmes de fond d’un texte si la forme est aussi irréprochable que possible. Fautes d’orthographe ou d’accord, coquilles en tout genre ou inexactitudes vont considérablement parasiter la lecture de l’éditeur, empêchant celui-ci de faire les retours qui devraient s’imposer sur les problèmes de structure, de construction ou de rythme. Ou alors, il les fera dans un deuxième ou troisième temps, et risquera de perdre la spontanéité de la première lecture (qui est importante, voire primordiale, car la plupart des romans ne sont lus qu’une seule fois après achat, c’est donc bien souvent la première impression qui compte pour le lecteur). Mais, paradoxalement, c’est peut-être aux auteurs et autrices que cette formation apportera le moins (tout dépend bien sûr de leur niveau initial, l’idéal étant d’atteindre au moins ce fameux seuil des 900). Un excellent texte truffé de fautes peut être publiable (moyennant un gros travail de correction), un très mauvais texte écrit dans un français parfait ne trouvera probablement pas preneur.
Correctrices/Correcteurs
La donne est un peu différente concernant les correcteurs et correctrices : quand j’ai suivi ma formation de correction au sein du CEC, j’ai pu constater à quel point la maîtrise du français ne suffisait pas à rendre le métier facile, car celui-ci requiert une vigilance de tous les instants et tous azimuts : connaître son Grevisse sur le bout des doigts est une chose, mais traquer les fautes de français (même lorsqu’on en maîtrise toutes les règles, ce qui est rarement le cas), surveiller les registres de langue ou veiller à la cohérence de l’ensemble (au sein d’un même texte, il est par exemple malvenu d’employer deux formes distinctes d’un même verbe – il s’assoyait/il s’asseyait), à la constance des orthographes (un prénommé Franck ne doit pas devenir un Frank), au bon usage de la ponctuation (guillemets, espaces, etc.), au respect de la mise en page (présentation des dialogues ou des entrées de chapitre), à la bonne composition (italiques ou autres), aux répétitions involontaires (tout en sachant repérer quand elles sont volontaires), aux petits mots oubliés ou dédoublés, etc., demandent une concentration absolue. À mon sens, une note élevée au Certificat est indispensable à tout bon correcteur, mais une note parfaite ne sera pas forcément gage de qualité, tant les exigences de la correction ne se limitent pas à la connaissance des règles. Mais c’est le b. a.-ba.
Éditrices/Éditeurs
L’éditeur est la plaque tournante de toute publication dans le circuit « traditionnel » (hors autoédition, donc). Il sera bien souvent en lien direct avec les autres catégories de métier citées ici, et sera régulièrement amené à trancher (en cas d’avis divergents, notamment). Il convient donc d’être armé pour ce faire. D’un autre côté, il a également bien d’autres chats à fouetter (prospection, représentation, programmation, budget, travail sur les textes, accompagnement des auteurs, etc.), et son rôle ne peut (ou ne devrait pas) se substituer à celui de tous ses petits camarades de jeu (pour des bêtes raisons de journées de 24 heures et de semaines de 7 jours). En fonction de l’organisation de la maison d’édition, un bon éditeur (un éditeur capable de dénicher un bon texte, de lui apporter une plus-value importante, de le soutenir en même temps que son auteur, etc.) pourrait même se contenter d’une note « moyenne » (probablement pas 500, mais à partir de 700) au Voltaire, car ses lacunes éventuelles peuvent être largement compensées en interne ou par les intervenants extérieurs. (700 = « Aptitudes pour rédiger des textes qui ont une portée stratégique ou légale, ainsi que pour relire et corriger les textes des collaborateurs. ») Évidemment, ce n’est que théorique, et je pense que la plupart des éditeurs se situent bien au-delà (mais se former au Certificat Voltaire, c’est aussi prendre de bonnes habitudes et repérer les « pièges » les plus courants pour éradiquer d’éventuelles coquilles).
Traductrices/Traducteurs
Les arguments avancés dans les paragraphes ci-dessus me semblent presque tous valables pour le traducteur. Celui-ci est bien sûr un auteur, mais je le vois aussi un peu comme un éditeur (quand celui d’origine n’a pas forcément bien fait son boulot, comme je l’évoquais ici) et comme le premier correcteur (il sera responsable de la première mouture en français et, pour l’occasion, le travail éditorial sera justement beaucoup plus axé sur l’orthographe, la grammaire et la typographie que sur le fond ou la trame, sur lesquels le traducteur n’a pas la main, contrairement à l’auteur d’œuvre première ; l’éditeur s’attend donc théoriquement à avoir moins de boulot sur une trad que sur une création). Quand je me charge d’un rewriting (comme on dit en bon français), une espace avant une virgule (ou une absence d’espace devant un signe de ponctuation double) ou un dialogue mal présenté détournent complètement mon attention de ma mission première (veiller à la fluidité du texte). Il me semble donc qu’un bon traducteur doit aussi être un peu correcteur dans l’âme, car plus son texte sera propre, plus les autres intervenants pourront s’attaquer aux détails et aux aspérités (coquilles, lourdeurs, répétitions, calques…) qui peuvent polluer une trad. Et honnêtement, un traducteur qui ignore que le participe passé d’un verbe à un temps composé peut s’accorder, même avec l’auxiliaire avoir, et qui n’a jamais entendu parler du concept de COD (anecdote véritable), ça fait pas très sérieux.
Donc, il faut absolument le passer ?
Évaluer son niveau au Certificat Voltaire n’est pas forcément indispensable dans le monde de l’édition (à part peut-être pour les correcteurs), mais je suis convaincu que s’y former d’une manière ou d’une autre est toujours et forcément un gros plus pour diverses raisons – et en premier lieu parce que plus il y aura d’intervenants compétents en français sur un texte, plus les chances seront élevées de parvenir à éradiquer la plupart des inévitables coquilles. C’est mathématique (on y revient) : un correcteur qui repère 99 % des fautes n’en laissera passer qu’une si les épreuves n’en comportent que cent, mais dix si elles en contiennent mille.
La pseudo-analyse ci-dessus n’est qu’un ressenti, je ne crois pas avoir jamais échangé à ce propos avec les personnes concernées (à part des traducteurs, et je sais que nous ne sommes pas tous complètement d’accord sur les limites de notre rôle). Je serais d’ailleurs très curieux de le faire, n’hésite donc pas à réagir pour me faire part de ton expérience et/ou de ton point de vue sur la question.
Un avis sur « Retour d’expérience Certificat Voltaire – 2 – À qu(o)i ça sert ? »