Pendant plusieurs années, il m’a été impossible de concilier mon métier d’éditeur (chez J’ai lu) avec celui de traducteur (chez J’ai lu, même si j’avais le droit de bosser pour d’autres boîtes). Et puis, par suite d’un changement de statut – je suis passé directeur de collection, donc plus salarié – et de direction, c’est devenu faisable. Quelque temps plus tard, mon activité de « dircoll » s’est arrêtée, mais j’ai longtemps continué de traduire pour J’ai lu, dans tout ce qui fait la diversité de cette maison (pour laquelle je conserve évidemment un attachement particulier).
Série Alex Craft, Kalayna Price (2011-2012)
- Nécromancienne (Grave Witch) – 565 000 signes.
- Danse funèbre (Grave Dance) – 791 000 signes.
- Amnésie (Grave Memory) – 732 000 signes.



Dans cette série (seuls les trois premiers tomes ont été publiés dans la collection Darklight, mais il me semble que la série se poursuit en VO) de fantastique, l’héroïne (Alex Craft, donc) est une sorte de détective privée aux pouvoirs de nécromancienne (c’est-à-dire qu’elle peut communiquer avec l’âme des défunts). On retrouve pas mal de créatures étranges (faes, kelpys, gargouilles et autres), et il lui arrive évidemment des bricoles (notamment parce qu’il existe une forme de racisme envers les personnes dotées de pouvoirs magiques, et que son père, gouverneur de son État et de son état, si mes souvenirs sont bons, est un peu le chef de file des réacs du coin ; et puis elle se retrouve à moitié aveugle chaque fois qu’elle utilise son pouvoir, ce qui rend le truc pas pratique-pratique ; et puis elle est très pote – et plus si affinités – avec LaMort, l’une des incarnations de La Faucheuse ; et puis va s’installer une relation pas toujours équivoque avec un agent du FBI, qui va tantôt enquêter à ses côtés et tantôt sur elle, dans tous les sens du terme). Bref, je m’étais bien amusé à traduire cette série, que j’avais trouvée plus que chouette, même si c’est a priori pas mon genre de prédiléction.
Pour être tout à fait précis, cette trilogie a été relancée tout récemment par les éditions Bookmark, sous les titres Magie funèbre, Danse funèbre et Souvenirs funèbres. En attendant la suite ?
The Bone Season, Samantha Shannon (2013)
876 000 signes.


Je ne vais pas m’appesantir sur ce titre, car j’en reparlerai plus longuement par ailleurs, quand j’aborderai le chapitre De Saxus. Mais ledit chapitre n’existerait peut-être pas si je n’avais pas été contacté pour Le Prieuré de l’Oranger, or j’ai été contacté pour Le Prieuré justement parce que J’ai lu m’avait fait confiance là-dessus. Malheureusement, ce roman n’a pas trouvé son public à sa sortie, et j’étais très malheureux de ne pas traduire la suite parce qu’il m’avait beaucoup plus. Il a fallu attendre près de 10 ans (autant dire que je n’y croyais plus depuis longtemps) pour que l’occasion se présente, et encore une fois ça n’aurait pas été possible sans cette expérience jailusienne. Pour la petite histoire, il est ressorti en poche après être ressorti dans une traduction révisée chez De Saxus, donc je te mets les deux couv.
Mais quand même, si tu ne connais pas et que tu as hâte d’en savoir plus, c’est de la SF dystopique avec des voyants, des créatures bizarres et de l’action à ne plus savoir qu’en faire, c’est vraiment une grande saga (7 tomes prévus) d’une grande autrice.
Série Dublin Street, Samantha Young (2013-2018)
1. Dublin Street (On Dublin Street) – 600 000 signes.
2. London Road (Down London Road) – 696 000 signes.
3. Jamaica Lane (Before Jamaica Lane) – 561 000 signes.
4. India Place (Fall from India Place) – 513 000 signes.
5. Scotland Street (Echoes of Scotland Street) – 526 000 signes.
6. Nightingale Way (Moonlight on Nightingale Way) – 577 000 signes.
Fountain Bridge (Until Fountain Bridge) – 185 000 signes.
Castle Hill (Stars Over Castle Hill) – 142 000 signes.
Valentine – 156 000 signes.
One King’s Way – 248 000 signes.
On Hart’s Boardwalk – 215 000 signes.
Je crois n’avoir rien oublié, mais le doute est permis. S’il y en a des plus longs d’autres, c’est tout simplement que certains (ceux qui sont numérotés) sont des romans, d’autres des novellas parues seulement en numérique (à ma connaissance). Mais dans l’ensemble, ça fait quand même une certaine somme : près de 4,5 millions de signes de romance (je ne sais pas si le terme est exact, car certains passages sont plus qu’érotiques, mais les bouquins ne tournent pas uniquement autour de ces scènes-là, quoique nombreuses). Quitte à (beaucoup) bosser sur ce genre-là à une époque, je suis content de l’avoir fait en bonne partie sur cette série, plutôt bien écrite et pas mièvre.
D’ailleurs, il ne s’agit pas à proprement parler d’une série, mais plutôt d’un roman (Dublin Street) et d’une succession de spin-offs : en effet, le premier tome évoque la rencontre entre Joss et Braden (ce n’est pas moi qui ai choisi les prénoms), mais les suivants vont s’intéresser à des couples de personnages secondaires (amis ou membres de la famille), sur qui les projecteurs seront braqués, et les précédents se retrouveront un peu dans l’ombre, sans cesser d’exister pour autant. Mine de rien, c’est une façon assez habile de donner une vraie profondeur à tous ces protagonistes et de suivre leur évolution (ceux que l’on rencontre préados finissent adultes, de nouveaux enfants naissent, etc.). Les novellas viennent généralement nous donner des nouvelles des relations des uns et des autres, un aperçu d’un moment crucial de leur vie de couple.
Jeu de patience (Wait For You), Jennifer Armentrout (2013)
625 000 signes.

Là, je dois avouer que la mémoire me fait défaut. Il me semble qu’il s’agit aussi d’une romance, mais avec un aspect un peu polar (je crois que l’héroïne reçoit des SMS anonymes relatifs à un sombre événement de son passé). Le reste est plus que flou ! Il s’agit du premier tome d’une longue série, mais je me suis arrêté là.
Downfall, Jeff Abbott (2014)
841 000 signes. J’ai aussi traduit une courte nouvelle de 47 000 signes, faisant la transition entre ce tome-ci et le précédent.

Curieusement, je n’ai plus tellement de souvenirs non plus, alors que c’est a priori beaucoup plus mon style (un polar assez musclé, façon 24 heures chrono dans mon souvenir). Un ancien agent de la CIA va rencontrer une jeune femme dans un bar et la prendre sous son aile (j’ai triché en regardant la 4e de couv), mais je sèche complètement sur la suite.
Dans les yeux d’Helga (Chocolate Cake With Hitler), Emma Craigie (2014)
266 000 signes.

J’adore ce bouquin ! J’en avais acheté les droits pour la collection dont je m’occupais, j’ai arrêté de la diriger avant de le publier, mais j’ai quand même pu le traduire, ouf ! Il raconte à la première personne la très courte enfance d’une fillette (Helga, l’aînée de Joseph Goebbels), ainsi que les derniers jours dans le bunker (les siens, mais aussi ceux de son entourage proche), où elle prenait régulièrement le goûter avec Adolf Hitler (chic, chic, chic). Le tout jalonné de souvenirs intimes avec les copains de papa (chouette). Très documenté (l’autrice est historienne, si je ne dis pas de bêtise), le roman permet de découvrir une autre facette de la Deuxième Guerre mondiale et de ses principaux criminels, par le prisme d’une gamine privilégiée et fille d’un haut dignitaire nazi, mais faisant aussi partie des victimes du conflit (elle ne comprend pas pourquoi elle n’a subitement plus le droit de jouer avec le petit voisin, par exemple, et sa fin n’est pas des plus heureuses). L’innocence de ce point de vue, par rapport à tout ce que le lecteur sait de l’horreur absolue des événements, nous place à la fois dans un rôle de spectateur voyeur et de témoin impuissant qui ne nous laisse pas indemnes.
Red Hill, Jamie McGuire (2015)
572 000 signes. Une longue novella Monsters (Among Monsters, 296 000 signes) a également été publiée, uniquement en numérique je crois.


Ça ne saute pas forcément aux yeux en voyant la couverture (surtout l’accroche), mais ce bouquin aurait en réalité toute sa place dans une collection de SF, puisqu’on a affaire à une véritable histoire de zombies (dans mon souvenir, il y a certes une romance, mais elle est très secondaire – faut dire que le contexte ne s’y prête qu’à moitié !). Je n’ai plus exactement les détails en tête, mais je crois qu’on suit la quête de survie d’un petit groupe de personnes, dont une mère divorcée et sa fille, alliées de fortune dans cette apocalypse. Alors que Monsters donne le point de vue du père, qui va vouloir retrouver sa fille (et donc son ex). Pas sûr. Mais tu as l’idée. Si tu es fan de Walking Dead et autres créations de ce genre, cela devrait te plaire.
Dangerous Women, dir. George Martin, Gardner Dozois (2015)
- Auteurs – 813 000 signes.
- Autrices – 988 000 signes.


Cette anthologie a été scindée en deux en français, les hommes d’un côté, les femmes de l’autre. Mais la thématique est la même : les femmes dangereuses. On y trouve essentiellement des novellas de fantasy, mais pas uniquement (il y a aussi du fantastique, du polar, de la SF, de l’historique…). J’étais ravi de bosser là-dessus, car cela m’a permis de me frotter à de grands noms de l’imaginaire (Abercrombie, Butcher, Gabaldon, Lindholm/Hobb, Sanderson, etc.) et d’en découvrir d’autres, en plus de traduire un bon bout de texte dans l’univers du Trône de fer, loin d’être évident (il fallait se montrer à la hauteur de Jean Sola et Patrick Marcel, respecter leurs choix ou choisir entre eux quand ils n’étaient pas d’accord, retrouver chaque référence de noms propres et leurs traductions le cas échéant). Pas facile non plus de jongler entre les textes en respectant chaque voix, de passer d’un style à l’autre. Comme dans toute anthologie, il y a du très bon et du plus dispensable, mais la balance penche largement en faveur du très bon, alors ça reste fortement recommandable.
Prince des ténèbres (Prince of Shadows), Rachel Caine (2016)
710 000 signes.

Ce n’est pas forcément évident en regardant la couv, mais ce roman est en réalité une réécriture (assez fidèle, me semble-t-il) de Roméo et Juliette. Je crois même que l’on retrouve certaines répliques ou tirades tirées de la pièce de théâtre, mais je n’en suis pas certain (c’était le cas dans un Hamlet revisité dont j’avais voulu acquérir les droits, du coup je mélange un peu les deux). En tout cas, j’ai le souvenir d’avoir bien aimé cette adaptation (vue par les yeux de Juliette, si mes souvenirs sont bons).
Diptyque Les Éternels, Amie Kaufman et Meagan Spooner (2017-2019)
- Gaïa (Unearthed) – 636 000 signes.
- Terre (Undying) – 576 000 signes.


De la SF bien sympa pour ados. Si ma mémoire ne me trompe pas, une espèce extraterrestre (les Éternels) nous envoie un message nous annonçant la destruction imminente de notre planète et nous donne « l’adresse » d’une planète où pourrait se trouver le remède au désastre imminent. Certains humains s’y rendent donc officiellement (notre héros), d’autres clandestinement (notre héroïne, ou vice-versa). Il me semble que le garçon est le fils du/de la scientifique qui a réussi à décoder le message éternel, alors que la fille est une espèce de contrebandière ayant besoin de réussir un gros coup pour sauver sa famille, mais pas sûr. Sur place, en tout cas, tous deux vont devoir unir leurs forces pour arriver au bout d’un certain nombre d’épreuves, à mi-chemin entre Indiana Jones et Mad Max. Je vais essayer de les faire lire à mon grand, tiens.
Épées et Magie (The Book of Swords), dir. Gardner Dozois (2017)
1 176 000 signes.


Le livre était initialement prévu chez J’ai lu, mais il a finalement vu le jour chez Pygmalion. Je t’en parle quand même ici, car je n’ai appris cette décision qu’après avoir rendu le texte, sa place est donc bien ici dans mon bilan ! Mais je t’ai mis les deux couv quand même.
C’est exactement la même chose que Dangerous Women présenté plus haut, mais avec une autre thématique, je te laisse deviner laquelle. Surtout de la fantasy, évidemment, avec quelques auteurs et autrices en commun (Robin Hobb et George Martin en tête), ainsi qu’une vieille connaissance que j’ai été ravie de retrouver ici : KJ Parker (l’auteur de la trilogie du Charognard, dont je t’ai parlé en évoquant Bragelonne). Là encore, surtout du très bon dans cette antho !
Trilogie Generation One, Pittacus Lore (2017-2019)
- Generation One – 569 000 signes.
- Les Six Fugitifs (Fugitive Six)– 623 000 signes.
- Retour à zéro (Return to Zero) – 645 000 signes.



Cette trilogie est un spin-off de la série Numéro Quatre, le plus gros succès de la collection que je dirigeais. Je ne sais plus pourquoi Marie de Prémonville, qui avait fait un boulot remarquable sur les sept romans de la saga (plus un recueil de nouvelles, me semble-t-il), n’était pas disponible pour poursuivre, mais j’ai pris le relais avec d’autant plus de plaisir que Numéro Quatre restait une grande (et complexe) aventure éditoriale, que j’avais bossé sur tous les textes (ou presque ?) et que je connaissais parfaitement l’univers.
Je t’en avais déjà vaguement parlé lors de mon bilan de l’année 2021, mais si tu n’as pas eu le bon goût de tout apprendre par cœur, je te reraconte vite fait : c’est de la SF, peut-être plus YA que vraiment ado, contrairement aux Éternels, avec des extraterrestres et des superhéros. Ce deuxième cycle se déroule quelques mois/années après la saga initiale, et Numéro 9 (l’un des personnages secondaires de Numéro 4 – je sais, on s’y perd un peu) se retrouve à la tête d’une académie pour former les humains ayant à leur tour hérité de dons/pouvoirs. Ici, les ennemis ne sont plus aliens, mais terriens : il y a ceux qui veulent interdire les pouvoirs, ceux qui veulent s’en servir pour faire le bien et ceux qui ont des ambitions moins avouables.
L’enfant qui ne savait pas dire la vérité (The Lost Child), Torey Hayden (2019)
487 000 signes.

Absolument plus rien à voir, puisqu’on a affaire ici à un document assez glauque, où une pédopsychiatre va suivre une gamine placée dans un foyer d’accueil par des parents qui n’arrivaient plus à la gérer. À force d’entretiens et de temps passé avec elle, Torey Hayden va réussir à comprendre l’origine du comportement autodestructeur de la fillette. Âmes sensibles, s’abstenir, car il n’est pas impossible que ça prenne un peu aux tripes.
J’en disais un poil plus ici.
Bilan du bilan
J’ai lu est très étroitement associé à toute ma carrière, car c’est là que j’ai effectué mon stage de fin d’études (en 2005, chez Librio), là que j’ai signé mon premier contrat dans l’édition (assistant édito à cheval sur Librio, Baam! et J’ai lu SF), là encore que j’ai signé mon premier contrat de traducteur (les fameux Sudoku de Michael Mepham, aux Éditions 84). Là aussi que je me suis constitué mon premier réseau et que j’ai pu rencontrer les personnes qui m’ont permis de signer mes premières trads ailleurs (notamment chez Bragelonne et Michel Lafon, pour citer les exemples que j’ai déjà évoqués).
En tout, c’est près de 15 ans de collaboration, dont la moitié en tant que traducteur. J’ai un peu de mal à déterminer combien de romans j’ai traduits chez eux, car je ne sais pas si je dois compter les novellas parues seulement en format numérique, si je dois compter deux fois Dangerous Women paru en un seul volume en VO, compter Épées et magie qui n’est finalement pas sorti là-bas… Sans compter que certaines nouvelles contenues dans les anthologies sont aussi longues que le « texte long » le plus court… Mais grosso modo, c’est environ 25 romans et plus de 17 millions de signes, un poil moins que ce que j’ai pu faire chez Bragelonne.
Dans les épisodes précédents :
À suivre : Pygmalion